Émail au Moyen Âge

22 avril 2019

Émail européen

Le Moyen Âge c’est une époque marquée par un joli art, des sculptures magnifiques et la mode qui fascine l’imagination jusqu’aujourd’hui. Il y a pourtant un support qui n’est pas souvent rappelé mais qui se distingue cependant comme une des formes de l’art les plus brillantes et remarquables qui a eu un grand impact sur le design des bijoux modernes et le processus de production : émail. L’émail a joué un rôle important dans l’histoire de l’art européen notamment au Moyen Âge. Il existe de nombreuses théories sur ses origines et ses routes d’apparition dans l’Europe médiévale dont l’une serait l’emprunt des techniques d’émaillage byzantines par les peuples de la période de migration.

Alors c’est quoi, l’émail ? Nous employons ce terme pour désigner une belle combinaison de verres colorés fondus sur le métal, la pierre, la céramique et d’autres matériaux qui peuvent résister aux températures élevées nécessaires pour ce processus. Les surfaces émaillées et les éléments décoratifs ont une forte résistance chimique et mécanique ce qui les rend résistants à une grande humidité et aux environnements chimiquement agressifs.

La qualité du verre a beaucoup amélioré durant le règne des Mérovengiens et Carolingiens et on a maîtrisé la production de plusieurs émaux les plus populaires et les plus colorés. À cette époque la technique d’émaillage la plus courante était le style Romain champlevé (ce qui veut dire en français « champ levé » où la surface est taillée pour former des fosses où l’émail est cuit).

Aux IX et X siècles de nouveaux ateliers ont apparu dans la vallée du Rhin et en Lorraine qui fabriquaient de l’or émaillé de style byzantin – l’émail connu comme cloisonné. Cloisonné rapporte à la cellule où de fins fils étaient utilisés pour former des barrières qui contenaient des zones d’émaux différents appliqués l’une après l’autre. C’étaient pour la plupart de petits accessoires et bijoux décorés à l’émail coloré cloisonné, essentiellement des objets sacrés. Représenter des humains ou d’autres objets avec l’émail était assez rare. L’exemple en est l’image sur la plaque de base du crucifix de Mathilde.

Émail ottonien environ 982 : Mathilde avec son frère Otton

Émail ottonien environ 982 : Mathilde avec son frère Otton

Un autre exemple de l’émail cloisonné c’est la boucle en forme d’aigle de la trésorerie de Gisèle – l’épouse de l’Empereur Conrad II. Cette boucle date d’environ X siècle. La tête, les ailes et la queue de l’aigle sont en émail tandis que la couronne est ornée de pierres précieuses.

Boucle d’aigle de la trésorerie de l’impératrice Gisèle, vers 1025

Boucle d’aigle de la trésorerie de l’impératrice Gisèle, vers 1025

Au XII siècle l’émail a connu une forte évolution à Limoges et dans la région du bassin Rhin-Meuse. À cette époque l’art de l’émaillage était sous une forte influence de l’Orient, notamment de l’Empire Byzantin et des technologies syriennes. Grâce à la qualité des performances tehniques et artistiques (particulièrement les vases sacrés – l’objet de production principal des bijoutiers médiévaux) l’influence de l’émail byzantin sur l’or était déterminante. L’utilisation des plaques d’émail importées afin de décorer les vases et les ustensiles ainsi que l’acquisition de l’expérience par les Européens dans le domaine de nouvelles techniques a donné une impulsion au développement de l’émaillage qui s’est imposé en tant que forme d’art indépendante.

À partir du XII siècle le champlevé s’est fait reconnaître comme procédé artistique de décoration des ustensiles d’église avec des couleurs et des motifs ornementaux. La surface des objets émaillés de cette façon était polie lisse et apparaît comme uniforme, juste comme dans le cas de l’émail cloisonné. Si la base de métal est faite de métal « noble », alors la préférence était accordée à la poudre de verre transparente dont la couleur peut changer sous l’influence de la base. Avec les couleurs jaune et rouge du matériel on utilise les feuilles d’or pour intensifier la couleur et l’effet de l’émail transparent, et les feuilles d’argent de haute qualité pour le bleu et le vert. Si le métal de base est plus simple, comme le cuivre ou le bronze, c’étaient plutôt des émaux opaques qui étaient utilisés.

Les centres de production d’émail les plus considérables étaient concentrés le long du bassin Rhin-Moselle, notamment à Limoges. La demande croissante d’ustensiles d’église bon marché et imposants a mené à l’utilisation de plus en plus fréquente de ce nouveau procédé de décoration. En cette période c’est le cuivre doré qui a été le matériel de base le plus répandu. C’était apparemment pour des raisons purement économiques que l’émail cloisonné sur l’or a été remplacé par le style romain de champlevé sur le cuivre.

Les techniques d’émail champlevé celtes influencées par la tradition byzantine ont abouti à l’apparition d’un nouveau style unique. L’autel de Nicolas de Verdun pour l’abbaye de Klosterneuburg en est un bon exemple. Le fond est couvert d’émail bleu, vert et rouge. L’autel, réalisé entièrement de cuivre, a été ensuite doré et reste une pièce d’art inégalée.

Autel de l’abbaye de Klosterneuburg par Nicolas de Verdun

Autel de l’abbaye de Klosterneuburg par Nicolas de Verdun

Au milieu du XII siècle Limoges est devenu le centre le plus important de la production des ustensiles d’églises champlevés et a gardé sa réputation jusqu’au XIV siècle. L’apparition des objets émaillés artisanaux produits en masse a amené à la dépréciation des objets d’art plus subtiles et sophistiqués. Les œuvres d’art créées à cette époque peuvent certes être comparées aux meilleurs exemples de la région du bassin Rhin-Meuse.

Buste gothique décoré par le Massacre des Innocents de Limoges vers 1210-1220

Buste gothique décoré par le Massacre des Innocents de Limoges vers 1210-1220. Le cuivre gravé avec de l’émail champlevé et verre incrusté sur le bois. Musée National d’Art Catalan, Barcelone, Espagne

Émail Gothique

Bien que de nouvelles techniques d’émaillage plus complexes apparaissent, les procédés existants répandus n’avaient pas complètement disparu. Au contraire ils étaient utilisés de manières tout à fait originales ce qui a enrichi l’héritage européen de nombreux chefs-d’œuvre. Du coup l’émail champlevé est resté un des moyens les plus courants de décoration simple pour la plupart appliquée sur les armes, les moulages et les ustensiles quotidiens.

Les émaux de la région de Meuse sont des chefs-d’œuvre haut de gamme. À cette époque les bijoux français et allemands ont été largement influencés par l’architecture gothique et le style gothique en général. Nous pouvons nettement distinguer les traits gothiques typiques dans les bijoux de cette période ainsi que dans la sculpture et l’architecture.

Les émaux fameux de Limoges franchissaient les frontières de plus en plus souvent et se répandaient dans l’Europe. On en a trouvé des exemples dans les pays limitrophes. Un des plus grands et des plus beaux artefacts de Limoges a été découvert dans la cathédrale Sainte-Marie de Burgos en Espagne : la tombe en cuivre ed l’évêque Mauricio décédé en 1238. La tombe est coulée en forme d’un homme couché et décorée de dorure, de gaufrage, d’émail champlevé et des incrustations de cabochons (pierres polies et taillées).

Tombe de l’Évêque Mauricio, Burgos, Espagne

Tombe de l’Évêque Mauricio, Burgos, Espagne

Limoges nous a laissé un riche héritage de produits en émails : baguettes, bustes, croix, reliques de tête et demi-corps, reliure, pendentifs etc. À ne pas manquer certains exemples d’émail cloisonné, translucide sur le fond doré. On garde une splendide plaque à quatre lobes dans le musée d’art de Cleveland, États-Unis. Grâce à cette technique on pouvait atteindre une transparence et un éclat incroyables.

Plaque à quatre lobes, vers 1280-1300, Paris, France. Or, cloisonné et émail translucide

Plaque à quatre lobes, vers 1280-1300, Paris, France. Or, cloisonné et émail translucide

Le début du XIV siècle était marqué par le développement des techniques d’émaillage qui sont devenues plus perfectionnées au niveau de la maîtrise artisanale. L’émail était appliqué sur les surfaces plates et était transparent. Ainsi l’image se faisait voir à travers les couches d’émail ce qui le rendait encore plus mystérieux, et l’épaisseur des couches d’émail dans les parties différentes de l’objet qu’il couvrait produisait des effets artistiques variés. Cette méthode était utilisée dans la production des bijoux et des ustensiles d’église style gothique. Malgré la rugosité de la base (qui se faisait avec le gravage doux) sur laquelle l’émail était appliqué, l’adhésion n’était pas assez forte dans beaucoup de cas et les points restant de cette manière étaient souvent ébréchés.

Émail d’ArmStreet

Ici chez ArmStreet nous n’avons pas pu laisser passer cette merveilleuse technique de décoration tellement courante au Moyen Âge. Un des premiers objets que nous avons fabriqués avec de l’émail était la ceinture héraldique de chevalier que vous auriez pu voir sur les photos du Chevalier Gothique. Les plaques imposantes en laiton étaient gravées pour créer un motif qui était ensuite rempli d’émail vif résultant ainsi en une œuvre d’inspiration historique.

Ceinture Héraldique de Chevalier

Ceinture Héraldique de Chevalier

Un autre exemple est le collier de notre nouvelle collection « Mémoires de Renaissance ». Il y a plusieurs jolis motifs floraux tous fabriqués en émail et le résultat ne laisse personne indifférent. Regardez la vidéo et assurez-vous-en de vos propres yeux !

Collier « Mémoires de Renaissance »

Collier « Mémoires de Renaissance »

Et ce n’est que le début ! Il existe tant de moyens d’utiliser l’émail et tant d’objets à créer avec cette technique. Nous sommes vraiment impatients de donner vie à toutes nos idées et notre savoir-faire dans ce domaine. Cela vous chante ?